LA REALITE PRESQUE EVANOUIE
Les étudiants de 5e année de l’EPCC école supérieure des Beaux-Arts Tours Angers Le Mans
11 — 27 avril 2014

Cyrille Courte, Sylvain Féau, Marine Fiquet (et Laura
Bottereau), Noémie Doublet, Valentin Guillet, Bin Li, Julie Mansiet,
Mathilde Longelin, Maho Nakadai, Tristan Ortlieb, Marina Seretti, Ruihan
Wang, Gui Qing Wu, Po Jung Yang et Chen Zhao. Et Performance de Arsène
Juteau, Charlène Loiret, Lucile Martinez, le soir du vernissage.
La Fille d’Indra : « Ce n’est pas la réalité, c’est bien plus que la réalité… ce n’est pas un rêve, ou plutôt c’est un rêve éveillé… »
— Le Songe, August Strindberg
La réalité est bien ce contre quoi l’on bute. Elle se dérobe. Elle
résiste. Mais, il arrive qu’elle apparaisse furtivement, au coin d’une
rue, dans un souffle, un murmure ou une réminiscence. Les futurs
artistes de cette exposition l’ont parfois saisie sur le vif, ou
entraperçue : ils l’ont sans doute frôlée. Et s’il est question d’un
évanouissement possible, il s’agit davantage d’un éveil que d’une perte
de moyens : l’évanouissement sera ici avant tout saisissement de ce qui
échappe. Seul comptera l’instant fugace de cette ouverture des possibles
— d’où le « presque » contenu dans le titre, qui n’est pas une façon
d’atténuer le propos, mais bien au contraire de s’instal- ler dans un
espace précaire, entre rêve et réalité, nuit des images et besoin
d’incarnation.
Ainsi, l’expérience vertigineuse d’une lumière fulgurante, la douceur
d’une lueur rougeoyante dans l’obscurité, les ruines littéraires et
fantomatiques d’un temps qui n’est plus ou encore la théâtralité
désarmante de figurines en quête de sens, se côtoieront et entreront en
dialogue. Des poussières d’étoiles, des gouttes d’encre en suspension ou
de majestueuses envolées picturales viendront ponctuer le parcours,
nous rappelant que l’enjeu est bien de lutter contre la disparition,
suspendre le geste juste avant l’assombrissement définitif, juste avant
le recouvrement de toute visibilité.
Bien souvent, l’évanouissement sera considéré dans son acception
concrète, en tant que prélude à la perte de connaissance. Les
personnages de cette histoire sont bien des « soigneurs de gravité »,
selon la très belle expression de Marcel Duchamp. Ils déjouent les lois
physiques pour défier la pesanteur ou bouleverser les temporalités
historiques, et ils savent où ils opèrent : dans l’Abbaye du Ronceray
chargée d’histoire et vieille du XIe siècle, dont l’architecture même
questionne le principe d’équilibre. Peut-être y retrouverons-nous un
labyrinthe comme ceux des grandes cathédrales ou encore des tombes
centenaires… Le récit sera conçu comme une traversée.
Léa Bismuth